• Quelques éléments de droit...

    Souvent la question est posée : "Qui a la responsabilité des églises?" et son corollaire "à qui faut il s'adresser pour demander une autorisation ?". On pourrait aussi se poser la question "quelles activités peuvent avoir lieu dans une église ?" . Des mauvaises réponses apportées à ces questions légitimes naissent souvent des malentendus, des crispations et parfois des conflits. Voici donc quelques éléments de droit qui nous aident à y voir plus clair...

     

     

    “La loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’Etat et celle du 1er janvier 1924, pour les départements concordataires, fixent les pouvoirs et devoirs des maires dans le domaine cultuel et régissent leurs relations avec l’Eglise. La commune est propriétaire des édifices construits antérieurement à 1905. Elle n’a pas la jouissance de ces biens qui sont à la disposition des fidèles et du clergé. Les églises font partie du domaine public de la commune, à la différence des presbytères qui font partie du domaine privé. Si la loi de 1905 indique que les édifices d’avant 1905 et leur contenu sont la propriété des collectivités et donc du domaine public, la loi du 2 janvier 1907 indique que le clergé, nommé par l’évêque, est affectatairedes églises. Les maires conservent toutefois un certain nombre de prérogatives concernant la police du culte, la sécurité, les travaux d’entretien et la conservation des édifices, l’assurance des bâtiments.

    b) L’affectation au culte.

    La commune est propriétaire des édifices cultuels : églises, sacristies, cours et jardins attenant à l’édifice, calvaires et dépendances nécessaires, immeubles par destinations (autels scellées, bénitiers, boiseries, cloches, confessionnaux, dalles funéraires, jubés, orges, peintures murales, retables, stalles, tableaux, tribunes, vantaux, vitraux). La loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat ne donne pas aux communes le droit de disposer des églises dont elles sont propriétaires. Elle maintient au contraire, en termes exprès, leur affectation à l’exercice du culte. Le commissaire du gouvernement, dans ses conclusions sur l’affaire Vital-Pichon, indique : «si le législateur [a remis] aux communes la propriété de ces édifices, il ne remettait pas une propriété complète, absolue mais seulement une propriété démembrée, grevée d’une servitude d’affectation cultuelle. La commune est bien seule propriétaire de l’édifice mais elle n’est pas seule à avoir des droits sur l’église» (CE, 26.VI. 1914, Vital/Pichon). Si la commune décide d’une modification ou d’une transformation dans l’église, le curé et la commission diocésaine d’art sacré, en accord avec l’évêque, ont un pouvoir d’approbation et d’opposition. Toute création (achat de bancs, ambon, autel, vitrail), toute transformation dans l’église, toute action sur un objet destiné à la liturgie (inscriptions sur une cloche) doit recevoir l’accord de la commission diocésaine d’art sacré. La liberté fondamentale du culte a pour composante la libre disposition des biens nécessaires à son exercice. A cet effet, en vertu des dispositions combinées de la loi du 9 décembre 1905 et de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, en l’absence d’associations cultuelles et d’actes administratifs attribuant la jouissance des églises et des meubles les garnissant, ces biens sont laissés à la disposition des fidèles et des desservants. Leur occupation doit avoir lieu conformément aux règles générales d’organisation du culte. Les curés en règlent l’usage. Parmi les dépenses que la commune a la possibilité d’effectuer pour assurer l’entretien et la conservation de l’église communale, figure la rétribution du gardiennage que le Conseil d’Etat définit comme «surveillance de l’église au point de vue de sa conservation» (CE, 3.V.1918). Le gardien est un employé communal. Il peut s’agir d’un laïc, employé avec l’accord de l’affectataire, mais ordinairement, les communes confient cette fonction au curé, en le rétribuant en conséquence. L’affectataire a un devoir de gardiennage, associé à la remise des clefs, sur l’édifice. Ce devoir oblige le curé à signaler à la municipalité tout ce qui se dégrade ou nécessite une ntervention et de l’avertir de tout péril imminent sur le bien. Il doit également conserver en l’état ce lieu appartenant à la commune. Une illégalité est commise lorsqu’une autorité publique autorise une manifestation dans un édifice affecté à l’exercice d’un culte sans l’accord du curé chargé d’en régler l’usage : «Considérant que le maire de la commune de Massat s’est non seulement dispensé d’obtenir l’accord du ministre du ulte en charge de la garde et de la police de la chapelle de l’Aisle avant d’autoriser diverses manifestations publiques à l’intérieur de cet édifice cultuel, mais a passé outre à l’opposition motivée exprimée par ce dernier le 22 juillet 2005 ; qu’en agissant de la sorte il a, contrairement à ce que soutient la commune, porté une atteinte grave à l’une des composantes de la liberté du culte, laquelle constitue une liberté fondamentale ; qu’il en va ainsi alors même qu’aucune célébration d’un office religieux n’était prévue aux dates fixées pour les manifestations autorisées» (CE, 25.VIII.2005, n°284307, Commune de Massat). Le juge des référés, saisi d’une demande justifiée par l’urgence, peut en application de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.

    Les autorisations nécessaires.

    De par son affectation légale, l’église a d’abord un caractère sacré comme lieu de recueillement, de prière pour les croyants, de célébration pour les pratiquants. Il convient cependant de ne pas restreindre la compréhension de l’exercice du culte à la seule liturgie.

    Les activités culturelles.

    Les demandes d’utilisation des églises pour y tenir des manifestations culturelles de toutes sortes, et particulièrement des concerts,se multiplient. Aucune manifestation non cultuelle ne peut être organisée dans une église communale et dans ses dépendances sansl’autorisation formelle de l’affectataire qui décide si une activité est compatible avec le caractère sacré du lieu (J.O. Assemblée Nationale. 14.I.1991. Réponse du ministre de l'intérieur, p.134). L’article L.2124-31 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose : «Lorsque la visite de parties d’édifices affectés au culte notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits justifie de modalités particulières d’organisation, leur accès est subordonné à l’accord de l’affectataire. Il en va de même en cas d’utilisation de ces édifices pour des activités compatibles avec l’affectation cultuelle. L’accord précise les conditions et les modalités de cet accès ou de cette utilisation. Cet accès ou cette utilisation donne lieu, le cas échéant, au versement d’une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l’affectataire». Alors que la loi du 9 décembre 1905 pose l’accès libre et gratuit aux édifices pour l’exercice du culte auxquels ils sont affectés, cet article permet une perception de droits d’entrée pour les manifestations se déroulant dans les édifices ou pour lavisite de ces monuments faisant l’objet d’aménagements spéciaux. Cette redevance peut être perçue sur les tiers utilisant l’édifice ou sur les visiteurs qui souhaitent accéder à une partie de l’édifice aménagée pour la visiter ou admirer les objets exposés. Le conseil permanent des évêques de France pose comme principe, le 13 décembre 1988 : «l’église est la maison du Peuple de Dieu où il se rassemble pour écouter la parole, prier en commun, recevoir les sacrements, célébrer l’eucharistie. Les églises ne peuvent donc être considérées comme de simples lieux publics disponibles pour des réunions de tous genres. Ce sont des lieux sacrés c'est-à-dire «mis à part» de manière permanent pour le culte rendu à Dieu. Le respect de cette identité est un principe fondamental auquel on doit se tenir. Dans cet esprit, ne pourront être admis dans les églises que des manifestations ou des concerts compatibles avec le caractère particulier de ces lieux, comme le demande clairement le droit canonique (can. 1210) : ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant l’ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pourtant pas contraires à la sainteté du lieu». Dès lors, les manifestations ou concerts compatibles avec le caractère particulier des lieux peuvent être admis dans les églises. Une réponse ministérielle du 14 janvier 1991 précise que l’affectation cultuelle des édifices demeurés propriétés de l’état, des départements et des communes conformément à l’article 12 de la loi du 9 décembre 1905, est considérée comme exclusive et permanente. Aucune manifestation non cultuelle ne peut être organisée dans une église communale sans l’accord formel des autorités religieuses qui restent seules juges de la compatibilité de la manifestation envisagée et du respect de l’affectation des lieux (J.O. Assemblée Nationale. 29.XII.1986. Réponse du ministère de l’intérieur). L’article L.2124-31 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose : «toute utilisation ou occupation non cultuelle de l’édifice doit normalement recueillir l’accord préalable donné par le desservant auquel il appartient seul d’apprécier la compatibilité des activités envisagées avec l’affectation cultuelle de l’édifice ; l’autorisation de l’Etat, propriétaire qui s’assure le la compatibilité de ces activités avec les prescriptions de sécurité et de sûreté et les nécessités liées à la préservation et à la conservation des monuments historiques». L’organisation de concerts, de spectacles ou d’expositions culturelles, de tournages de films dans une église sont soumis à l’agrément écrit du prêtrede la paroisse, qui peut solliciter l’avis de la commission diocésaine. Toute demande doit être accompagnée des indications précisant la date et l’heure de la manifestation, les raisons invoquée, le programme prévu, les conditions d’exécution, les nom et qualité du responsable de l’organisation, la souscription d’une assurance particulière et les conditions d’entrée. L’organisateur doit observer les règles de bonne tenue à l’intérieur de l’édifice, respecter les lieux (en particulier l’autel), les remettre en ordre. Il doit prendre en charge les dépenses occasionnées (électricité, entretien). Aucune publicité ne peut être faite sans l’accord écrit du clergé affectataire. L’organisateur doit également obtenir l’avis technique conforme du maire (conservation et sécurité de l’édifice), propriétaire des lieux. Pour éviter tout détournement de la destination première de l’édifice, il ne peut y avoir d’autorisation de manifestations qui empêcheraient l’exercice normal du culte. Aucune convention d’utilisation régulière ne peut être souscrite. Deux lettres du ministre de la culture sont venues éclairer le régime d'utilisation des églises dans le cas très spécial de la Fête de la Musique. Elles expriment la volonté de l'Etat et des pouvoirs publics en général de respecter scrupuleusement l'affectation. Elles rappellent que les projets des services du ministère de la culture dans ce domaine ne sont que de simples suggestions et qu'il appartient aux membres du clergé en toute liberté et indépendance de donner la suite qui leur paraît compatible avec l'affectation. Le ministre de la culture invite le président de la conférence des évêques de France à lui faire part des difficultés rencontrées.”

    Extraits du manuel : L.SEREE de ROCH, Adminiitration et fiscalité des Biens d'Eglise, Perpignan, Artège, 2012, pp.56-76.


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